ACTUALITÉS / ÉDITORIAL, RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT
Les années 68 et la formation des architectes
Collectif, 2018. Exposition à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, Paris
L’ARCHITECTURE AUX BEAUX-ARTS AVANT 68
Le 20 août 1968 un décret supprime l’École des Beaux-Arts et le Prix de Rome. Pour comprendre ce qu’était la section architecture des Beaux-Arts, avant 68, je suggère trois entrées : le système beaux-arts qui constitue le sujet de cet article, la culture beaux-arts et l’esprit beaux-arts.
L’esprit beaux-arts, c’est ce que l’on connait le mieux et que l’on critique le plus facilement : vie d’atelier, horaires impossibles, charrettes, brimades, fanfare, bals et fêtes ; une manière de ne pas être comme les autres, de préparer dès le début des études une attitude professionnelle, de façonner un milieu avec ses règles, ses codes et ses coteries. Une façon d’être différent.
La culture beaux-arts, c’est l’ensemble des outils intellectuels qui nourrissent la compréhension de l’espace et notre capacité à l’aménager, mais aussi une manière de regarder le monde. Une curiosité pour les bâtiments, les sites, les dispositions qui traverse les frontières et les siècles et vous rend familier un temple égyptien ou une vallée pyrénéenne. Une manière de regarder autour de soi en se reposant sans cesse les mêmes questions : pourquoi telle disposition, pourrait-il en être autrement, serait-ce éventuellement mieux ?
Le système beaux-arts, c’est le cadre institutionnel et temporel qui fixe la progression des études autour de l’exercice du projet en conciliant la liberté de la pédagogie par atelier et le rituel d’un emploi du temps annuel immuable depuis des décennies.
Cette distinction a une part d’arbitraire, et il ne faut pas imaginer des cloisons étanches entre ces entrées, au contraire, l’une ne se conçoit pas sans l’autre. Alimentée par l’élaboration des projets et scandée par le rythme des rendus qui est la base du système, la vie d’atelier est aussi le lieu où se cultive et se reproduit l’esprit beaux-arts qui lui-même transmet une part de culture. Et si j’ai choisi de me concentrer ici sur le système, on verra que cette entrée n’oublie les deux autres.
Ce choix part d’un premier constat : la tradition académique qui depuis le XVIIème siècle, en France, encadre la théorie de l’architecture a fait depuis plusieurs années l’objet d’un renouveau d’intérêt (1), notamment grâce à l’étude des cours de théorie qui depuis François Blondel (2) couvrent trois siècles d’enseignement et à l’analyse des projets accessibles dans les Annales de l’Académie ou de l’Ecole. En revanche, à ma connaissance, peu d’études ont été consacrées au cadre temporel et institutionnel de la scolarité tel qu’il s’est lentement précisé à partir de la création de l’Ecole en 1804 jusqu’à la réforme de 1863 pour rester presque inchangé jusqu’en 1966.
Une seconde raison s’ajoute. Entré à l’Ecole en septembre 1959, diplômé en juin 1967, j’en ai connu la phase ultime. L’éclatement des Beaux-Arts ne nous a pas surpris tellement le système nous semblait en bout de course. Avec l’impertinence de la jeunesse nous avions peu d’estime pour les professeurs, mandarins responsables des grands ensembles dont les défauts apparaissaient déjà. En 1966 une crise déclenchée par la grève des professeurs pourtant peu suspects de gauchisme avait sonné le glas de l’institution, découpé l’Ecole en trois groupes et engagé quelques réformes. L’urgence d’un changement s’imposait. Mai 68 apporta un grand souffle d’air frais qui me permit de participer comme enseignant à l’aventure des UP (unités pédagogiques) puis des Ecoles d’Architecture. Mais avec le recul, je suis frappé par la lente bureaucratisation qui a succédé au bouillonnement des années ’70 : les meilleures intentions ont recréé une série de super-lycées obsédés par le rythme hebdomadaire dont les Beaux-Arts avait si bien su s’écarter et laissant peu de place aux initiatives des étudiants.
Un emploi du temps par séquences, une comptabilité par valeurs
Au sortir d’études secondaires classiques les Beaux-Arts constituent une rupture radicale : la liberté d’organiser son temps à sa guise succède à un emploi du temps imposé. Cette liberté s’inscrit dans le cadre général de l’Ecole (3) marqué par le rythme des rendus de projet (4) qui structure l’année. Ce rythme s’impose à tous en ce sens qu’il définit des possibles. L’Ecole fonctionne à la carte. Elle offre la possibilité de rendre tous les deux mois un projet et de présenter aux sessions annuelles les autres matières.
La scolarité comprend trois classes, une classe préparatoire qui s’achève par le concours d’admission, la seconde classe qui outre les projets comprend les matières scientifiques et la première classe à l’issue de laquelle on peut présenter son diplôme. Le calendrier des projets de la première classe guide l’emploi du temps de toute l’Ecole. Il comprend d’abord une trame de cinq projets, et légèrement décalées, sept esquisses en 12 heures. S’y ajoutent les concours de l’Institut et les concours de Fondations (4). Enfin en mai commencent les épreuves du Prix de Rome, en juin le rendu du projet de construction de première classe.
Avec quatre éléments analytiques et sept projets par an, la seconde classe se glisse dans cette trame avec un décalage de deux semaines, temps nécessaire aux gardiens pour libérer la salle Melpomène qui accueille les jurys et les expositions. Le projet de construction se rend en juin après celui de première classe.
Le concours d’admission se déroule fin en juin dans un temps qui correspond aux examens des matières autres que le projet. Tout s’achève avant le 14 juillet, ses bals et ses fanfares.
Cette scansion de l’année qui impose un rythme comme celui des saisons ne signifie pas, sauf pour l’admission, une organisation de la scolarité par année. Chaque classe qui mêlent dans ses projets ceux qui commencent et d’autres qui terminent ; il n’y a pas d’année et pas de « promotion », on progresse plus ou moins vite, à son rythme. C’est à l’élève de construire son propre cursus, de décider de rendre un projet ou de s’inscrire à un examen, s’il décide de ne pas le faire, on ne lui demande aucune explication, simplement la durée des études se trouvera rallongée d’autant.
Dans chaque cycle, le programme impose des pré-requis. Ainsi, en seconde classe, on ne peut commencer les projets (nommés concours d’émulations) qu’après avoir obtenu ses trois analos (éléments analytiques) consistant à dessiner des fragments d’architectures anciennes (du moins jusqu’en 1966) sur des sujets proposés par le professeur de théorie : les points d’appui, les charpentes, les escaliers, etc. qui se succèdent sur six mois, et comme la construction qui se rend en juin consiste à développer le projet rendu en février, on ne peut pas la présenter la première année. Donc la seconde classe dure deux années minimum, plus si l’on ne réussit pas tous les projets et tous les examens du premier coup.
Projets ou examens, les enseignements sont validés par une ou plusieurs valeurs. Ancêtre des unités de valeurs d’après 68 ou des crédits plus récents, la valeur est l’unité comptable du travail, la feuille de valeur, document personnel où sont reportées pour chaque élève les valeurs obtenues avec leur date, indique, conformément au programme, le respect d’un enchainement. On ne peut passer en première classe qu’après avoir obtenu toutes les valeurs requises en seconde. On ne peut présenter son diplôme qu’après avoir obtenu toutes ses valeurs de première classe et un stage de plusieurs mois chez un architecte.
En seconde classe une analo ou un projet sont récompensés d’une mention qui vaut une valeur ou d’une première mention qui vaut une valeur et demi. Néammoins il faut avoir rendu et validé trois analos et six projets, les demi-valeurs additionnées ne dispensent pas de rendre la troisième analo. L’absence de mention écrite au fusain en bas du châssis par les gardiens signifie que le projet n’est pas reçu, c’est un four.
Les choses différent en première classe. Pour les projets, une mention vaut une valeur, une seconde médaille deux valeurs, une première médaille trois valeurs. Pour présenter le diplôme, il faut dix valeurs sur projets, dont au moins six projets-rendus et trois valeurs sur esquisses, vite acquises par les élèves brillants ou chanceux.
Outre les projets qui sont la base de la formation, l’École comprend des matières sanctionnées par des examens annuels. L’histoire de l’architecture dite archéo, appuyée sur un cours annuel avec polycopié est sanctionné par un examen oral avec rendu d’un dossier, ainsi que deux épreuves artistiques de dessin et modelage, dites trois arts, qui se glissent dans les temps libres entre les projets. La première classe requiert en outre deux examens en droit de la construction et organisation professionnelle, chacun doté d’un cours hebdomadaire d’une dizaine de semaines. La seconde les matières dites scientifiques : matériaux, physique, chimie, descriptive, perspective.
L’exercice du projet, une complexité croissante
L’apprentissage du projet procède par formats croissants : demi Grand-Aigle (62 x 80 cm env.) pour l’esquisse d’admission, châssis grand-Aigle (85 x 125) en seconde classe, double Grand-Aigle (125 x165) en première classe. Certains concours comme « l’Américain » se rendent sur quatre Grand-Aigle, l’épreuve finale du Prix de Rome sur huit ; le diplôme sur seize Grand-Aigle soit une cimaise de 3,40 m sur 5 m.
La complexité des programmes croît avec le format. Ainsi, une fois dépassé les premiers rudiments, dessin des ordres et tracé des ombres, l’admissioniste s’entraine à l’esquisse, première épreuve du concours, mise en forme d’un programme simple : un pavillon dans une pièce d’eau (juin 1946) ; une loge (mai 1955) une porte de ville (octobre 1956), un cloître (juin 1961). En seconde classe, alternent des projets avec contraintes fonctionnelles ou constructives fortes : un gymnase (mai 1964), un dispensaire (mars 1965) et ceux où il s’agit davantage de trouver et d’exprimer le caractère du programme : une laiterie (mars 1964), un kiosque de fleuriste (novembre 1964). La première classe inaugure les programmes complexes et symboliquement importants, occasions de grandes compositions, en 1964-65 se succèdent : une piscine, un centre de recherche pour l’agriculture, une Maison d’arrêt, une École d’architecture, une Cité des festivals, une Bibliothèque scientifique, le Ministère de l’urbanisme et de la construction.
La croissance des formats et de l’ampleur des programmes fait directement écho à la théorie de l’architecture telle que l’ont enseignée Durand, Guadet ou Gromort (6) : apprendre et maitriser d’abord les éléments de l’architecture, puis savoir les grouper en parties qui présentent une certaine autonomie fonctionnelle, enfin assembler ces parties en un tout clairement organisé autour d’un élément dominant qui lui donne son caractère. La capacité à organiser le projet en un tout unitaire quelle que soit son ampleur est essentielle, elle est la condition d’une composition réussie, la condition même de l’architecture. Cette capacité doit diriger le projet dès le début du travail, dans un moment de concentration qui, à la suite de la lecture du programme s’exprime par une esquisse qui sans s’embarrasser de détails définit le parti. Cette capacité s’acquiert par l’expérience du projet et particulièrement par la pratique de l’esquisse, toujours réalisée dans un temps limité qui prélude au développement de tous les projets ou constitue la finalité même du travail comme dans l’esquisse-esquisse, les concours Labarre ou Redon et les essais de Rome.
Projets ordinaires ou concours obéïssent à un même rituel en quatre temps échelonnés sur deux mois : une esquisse en loge (6), un développement à l’atelier accompagné des conseils et corrections du patron, le jury des professeurs qui se fait à huis clos, l’exposition des projets.
L’esquisse en permet de prendre connaissance du programme rédigé par le professeur de Théorie, deux feuilles imprimées évoquant le site, les éléments du projet et les formats et échelles du rendu et d’en proposer une organisation schématique dessinée sur un papier jaune pâle conservé par l’administration qui sera agrafé à votre projet pour que le jury vérifie que celui-ci est bien le développement de ce moment particulier. L’esquisse se fait isolément en douze heures maximum, dans le bâtiment dit « des loges ». En fait on discute facilement avec ses voisins ou ses camarades et on quitte généralement au cours de l’après-midi en emportant un calque de son esquisse pour en garder la mémoire et la présenter au patron lors de la première correction. Bien entendu, l’habitude a été prise depuis longtemps de rendre une esquisse assez floue pour ne pas y être trop attaché par la suite.
Le développement du projet varie d’un atelier à l’autre selon le nombre d’élèves qui rendent et la personnalité du patron. La correction peut prendre la forme d’un exposé général empreint de philosophie et de références ou d’une correction à la table accompagnée de remarques de bon sens et de croquis rapides qui, le patron parti, feront l’objet d’exégèse savante de la part des anciens autorisés.
Le jury qui se fait toujours à huis clôt le mardi qui suit le rendu ne laisse qu’imparfaitement filtrer les combats des chefs d’ateliers qui défendent leurs élèves et parfois raflent la majeure partie des récompenses.
L’exposition enfin qui ouvre le mercredi matin joue un rôle essentiel : elle révèle avec un cérémonial immuable ce qu’il fallait faire, « le bon parti », ce que le jury, dans sa sagesse attendait sans même le savoir à l’avance. La mise en scène est simple : salle Melpomène sont affichés sur le mur de gauche par ordre décroissant de mérite les meilleurs projets, c’est-à-dire ceux qui ayant obtenu les plus hautes récompenses seront reproduits dans les Annales éditées tous les ans. Le premier projet affiché juste après le programme est une première ou seconde médaille avec prix, puis suivent d’autres médailles sans prix et enfin les simples mentions qui entourent la salle le long des murs et se poursuivent sur des rangées au centre formant autant d’allées parallèles qui se terminent par les fours, ceux que personne ou presque ne va regarder.
La foule se presse donc sur le premier mur où les heureux distingués tiennent salon à proximité de leur projet pour recevoir les hommages de leurs amis. On compare les partis, on analyse les rendus. La suite des expos rend compte de l’évolution de la théorie et des références admises par l’Institution.
Autant les projets-rendus se ressemblent au programme près, autant chaque concours possède un caractère propre. Ainsi le Paul-Arfvidson se présente comme un très grand dessin onirique ; le Godeboeuf un détail à grande échelle d’une porte, d’un escalier, d’un plafond ; le Labarre une esquisse pour un grand territoire, en trois jours la première semaine de Janvier ; le Rougevin un concours d’ornement qui se situe autour des vacances de Pâques et correspond à la période d’étude du projet de construction mais aussi à la traditionnelle course de chars de l’Ecole des Beaux-Arts au Panthéon où ils finissent dans un immense brasier.
Le vertige de la feuille blanche
Cette école libérale, surprenante et joyeuse qui laisse à l’élève une grande capacité d’initiative et un temps libre lui permettant de travailler pour subvenir à ses besoins (c’était facile à l’époque), de voyager pour voir sur place l’architecture ou de mener des réflexions personnelles n’est pourtant pas, surtout dans sa dernière décennie, une école idéale. Elle perpétue un système et des manières de faire forgés un ou deux siècles plus tôt, efficaces au moment de l’invention des chemins de fer et des opérettes d’Offenbach, mais particulièrement anachroniques un siècle plus tard.
Une des particularités fondamentales des Beaux-Arts consiste en ce goût immodéré pour l’esquisse comme premier acte du projet. Cette pratique qui remonte à la création de l’Académie entraîne trois caractères propres à l’enseignement de l’architecture :
– l’esquisse se fait sur un principe de mise en concurrence propre au milieu professionnel, qui se cultive dès l’Ecole où tous les exercices en rapport avec le projet prennent la forme de concours : Concours d’émulation ou concours de l’Institut avec en perspective finale le concours de Rome couronné par le Grand-Prix qui donne accès au séjour à la Villa Médicis et au titre d’Architecte des Bâtiment Civils et Palais Nationaux, c’est-à-dire aux grandes commandes de l’État.
– l’esquisse se fait en loge : seul face au programme dont il vient de prendre connaissance l’élève doit trouver en lui-même les ressorts nécessaires. Il sera plus à l’aise s’il a déjà travaillé sur un programme analogue, d’où le rythme rapide des projets et concours, surtout en première classe, afin de se familiariser aux différents types de programme. Celui-ci n’étant connu qu’après l’entrée en loge, il n’est pas envisageable se documenter, de visiter des bâtiments de programme voisin ou d’avoir l’avis de leurs utilisateurs.
– l’esquisse se fait sur un terrain fictif sommairement évoqué, dont ne sont fourni aucune localisation précise ni aucun plan, qu’il n’est donc pas question d’aller voir mais qu’il faudra passer des heures à imaginer et à dessiner pour donner au projet un contexte évoquant le mieux possible le caractère du programme.
Ainsi les prémisses du projet sont un travail solitaire : un programme concis, un terrain abstrait que l’on modèle à sa guise, aucun contact avec le client ou le futur utilisateur. L’œuvre qui en découle est par définition introvertie, étrangère à ses voisins et ignorante de ses futurs usagers ou habitants.
L’achèvement du projet et les raisons de son échec apparaissent comme un second point d’insatisfaction. Si l’exposition qui suit le jury indique clairement ce qu’il aurait fallu faire : le ou les quelques partis possibles, elle ne dit rien des causes de l’échec. Question de parti ou de rendu, faiblesse du rendu qui n’a pas permis d’exprimer clairement son parti. L’élève dont le projet vient d’être refusé en conçoit une frustration, le sentiment d’être incompris, il aurait suffit que je puisse l’expliquer. Sur quelques huit ans d’études, les seuls projets où l’on peut présenter et défendre son travail se résument aux deux projets de construction et au diplôme.
Enfin la coupure de l’école d’avec les débats professionnels et internationaux alimente une insatisfaction permanente, le sentiment d’être défavorisé par rapport aux école italiennes, plus cultivées, suisses, plus sérieuses sur la construction, américaines, plus proches des programmes réels, des japonais, plus radicaux. En fait on reproche aux patrons de n’être pas Mies van der Rohe, Louis Kahn ou Alvaar Aalto… et à l’École de ne jamais en parler. Les cours d’histoire, il est vrai ne dépassent guère le début du XIXème siècle et le débat sur la construction de l’église de la Madeleine, ce qui semble particulièrement anachronique dans un moment où se développe la critique du mouvement moderne orthodoxe, où Team Ten a détrôné les CIAM et où Candilis est rentré aux Beaux-Arts.
On peut noter que les premières revendications des étudiants satisfaites en 1966 portent sur trois points :
– des terrains réels pour les projets,
– être présent au jury pour expliquer son projet ,
– un enseignement d’histoire critique de l’architecture contemporaine.
Notes
1- Outre les travaux sur les Beaux-Arts menés aux États-Unis, je pense à ceux de Jean-Pierre EPRON, Enseigner l’Architecture, l’Architecture en projet, recherche du CORDA, polycopié, Paris, CERA 1977, et Comprendre l’Eclectisme, Paris, Norma, 1997 ; et plus récemment, de Jacques LUCAN, Composition, non composition, architectures et théories XIXe-XXsup>e siècles, Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2009.
2- François Blondel 1617-1686, architecte de la porte Saint Denis, premier directeur de l’Académie d’Architecture, précepteur du dauphin, 1675-1683, Cours d’architecture.
3- Dans le milieu des architectes, l’École, signifie la section architecture de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts située à Paris entre le quai Malaquais et la rue Bonaparte à laquelle sont rattachées les ateliers extérieurs et ceux des Écoles Régionales. On dit « faire l’école » pour faire ses études, on est « élève » et non étudiant, la singularité commence dès l’inscription.
4- rendu désigne à la fois le travail de dessin final à l’encre et au lavis sur de grandes feuilles de papiers tendus sur un châssis : le panet (d’autres l’écrivent panais) et le moment fatidique où il faut remettre son projet achevé aux gardiens, toujours un vendredi avant midi à la porte de la salle Melpomène, grande salle des jurys et des expositions de l’Ecole, tandis que des différents ateliers résonnent les éclats des fanfares qui saluent la fin de la charrette.
5- les Concours de l’Institut marquent la volonté de l’Académie des Beaux-Arts de reprendre la main sur les études, perdue quand L’Ecole est venue remplacer le cours de l’Académie. L’Institut en accord avec l’École organise le prix de Rome et crée une série de concours qui pour beaucoup sont une préparation à cette épreuve. Les Concours de Fondations obéïssent à la même logique avec de règles administratives différents.
Les concours sont dotés de prix provenant du revenu annuel d’un capital placé et géré par l’Institut, capital qui vient généralement d’une donation faite à la mémoire d’un architecte, d’un professeur ou d’un élève disparu. Dans les années ’60 la plupart de ces prix avaient été fortement dévalués et ne rapportaient au mieux que quelques centaines de francs alors qu’à leur création ils permettaient au lauréat de vivre quelques mois ou lui donnait les moyens de voyager.
6- Jacques-François BLONDEL, 1705-1774, neveu et élève de Jean-François Blondel (1683-1756), aucun rapport familial avec François Blondel, élu à l’Académie (1755), hôtel de ville de Metz et places autour de la cathédrale (1761), professeur à l’Académie (leçons d’architecture, 1762).
– 1771 : Cours d’Architecture, Paris, Dessaint, 6 volumes illustrés, (fac-similé Monum/ Académie d’Architecture, Paris c 2010).
Jean-Nicolas-Louis DURAND, 1760-1834, élève de Boullée ( ), second Prix de Rome (1780 un collège), professeur d’Architecture à l’Ecole Polytechnique (1796-1825).
– 1799-1801 Recueil et Parallèle des édifices de tout genre, anciens et modernes, remarquables par leur beauté… avec Jacques-Guillaume Legrand, architecte (1753-1809).
– 1802- 1805 : Précis des Leçons d’ Architecture données à l’ École Polytechnique.
Julien GUADET 1834 -1908, élève de Labrouste et André, second Prix de Rome ex aequo 1860 ; Grand Prix 1864 ; diplôme 1888, collaborateur de Charles Garnier à l’Opéra de Paris, professeur chef d’atelier (1864 -1871), professeur de théorie (1894 à 1908).
– 1901 : Éléments et Théorie de l’Architecture, cours professé à l’Ecole Nationale et Spéciale des Beaux-Arts, Paris, Librairie de la Construction Moderne, 4 vol.
Georges Désiré GROMORT, 1870-1961, élève de Laloux, diplôme 1900, officier du Génie (1914-1919), professeur chef d’atelier (1924-1937, atelier repris par Louis Arretche jusqu’en 19868), professeur de théorie (1937 à 1940), a publié une vingtaine d’ouvrages sur l’architecture et les jardins dont deux en anglais (USA).
– 1942 : Essai sur la Théorie de l’Architecture, Paris, Vincent & Fréal.
7- Les loges désignent le premier bâtiment construit pour l’École des Beaux-Arts par l’architecte Debret en 1820, qui dispose de part et d’autre d’un couloir central des sortes de stalles (les loges) où les étudiants , en principe isolés, dessinent leur esquisse; par métonymie c’est aussi le fait de venir le jour donné faire son esquisse ce qui vaut inscription pour le projet. On dit monter en loges.
8- nouveaux (écrit nouvôs) et anciens sont la base de l’organisation des ateliers. Le nouvô, en particulier le nouvô de l’année est corvéable, « de service » un jour par semaine pour effectuer les différentes tâches, tout particulièrement lors des charrettes : rangement et nettoyage, transport des panets depuis l’atelier du papetier, rue Visconti, jusqu’à l’atelier, petits services divers et aide au rendu. Enhardi il commence à gratter pour un ancien qui en échange lui prodigue quelques conseils pour ses propres projets. Pour être ancien, il faut avoir été reconnu comme tel par le conseil d’anciens qui est le parlement de l’atelier, la masse en étant l’exécutif, le mot désigne aussi la cotisation mensuelle qu’il faut payer pour les charges de l’atelier, l’entretien et les acquisitions de la bibliothèque, les pots et fêtes divers.
Le rapport ancien/nouvô alimente un débat infini, s’agit-il d’un échange fraternel où l’un utilise la disponibilité de l’autre tout en le faisant profiter de son expérience, ou d’une forme insupportable de domination qui peut déraper et se traduire par d’intolérables brimades (il n’y a pas de bizutage aux Beaux-Arts) . Les deux sans doute, selon les moments et selon les ateliers. Je n’ai pour ma part jamais souffert de rien de tel, physiquement ou psychologiquement.
